CROMWELL, Coups de feu dans la sierra...


Concepteur d'héroïnes explosives, auteur bougon et génial dont les univers western spaghetti trash croisent ceux de la science fiction, Cromwell n'est pas l'homme du compromis...

Depuis 1985, Cromwell nous assène littéralement au visage ses séries percutantes peuplées de personnages déjantés et dont nous apercevrons l'envers du décor aux alentours de 1994 avec le one-shot  Les univers de Cromwell. Depuis, Cromwell ne lâche ni ses pinceaux ni sa guitare et demeure sur le devant de la scène avec le cinquième volume de sa série Anita Bomba ainsi qu'avec le nouvel album du combo punkrock La bonne, la brute et truand, all star band de la BD rock et dans lequel Cromwell se défoule à loisir sur sa Gibson Firebird de 63 en compagnie de Yo, batteur des Washington Dead Cats ainsi que d'Agathe Beltran, créatrice de son personnage phare et alter ego : la petite Taga.
Entretien avec l'un des auteurs les plus rock'n roll de l'édition professionnelle :

En sortant des Gobelins tu as bossé 1 an dans l'animation. La bande dessinée était-elle toujours ton orientation première ?
La BD a toujours été mon orientation première et ce depuis l'âge de 12 ans.
Petite rétrospective afin de comprendre : Etant  Fils d'Officier de la Légion Etrangère, il m'a été interdit de lire de la bande dessinée ainsi que d'en faire. Ensuite, après avoir fait un séjour chez les jésuites puis à l'école Militaire de Saint Cyr où, grâce à un subtil sabotage d'examen, je m'écarte du chemin tracé par le paternel, je me retrouve dans les paras (où je pratique un sabotage d'un autre genre...) avant de finir à l'école des Gobelins où je ne reste qu'un an avant de partir travailler dans l'animation (il fallait bien que je bouffe !)
Ensuite, au moyen d'un harcèlement quotidien du réalisateur et ce durant plus de deux mois, je me suis débrouillé pour intégrer Riff dans la boîte où je travaillais, ce qui nous permit de réaliser notre premier album : Le bal de la sueur
A partir de là, la BD ne ma lâchera plus...

Depuis, tu as parcouru un chemin conséquent, tes univers sont vastes et tes personnages nombreux. A quel héros ou héroïne t'es-tu le plus attaché au fil des pages ?
A Razorblade, la petite peste des  Minettos  qui a grandi sous les traits d'Anita Bomba

Tu n'as  a priori scénarisé qu'un seul album à savoir le troisième volume du « Bal de la sueur ». Est-ce par manque de temps ou bien l'écriture de scénarios ne te motive-t-elle pas ?

En fait, je suis omniprésent sur les scénarios de mes séries et je déteste les scénars « clés en main ». A vrai dire, j'aurais dû mettre mon nom comme co-scénariste depuis le premier album... Je m'investis sur les BD comme un réalisateur sur son film. C'est la raison pour laquelle beaucoup de scénaristes ne supportent pas de travailler avec moi. Pas assez docile diront certains... Trop punk diront d'autres... Un seul a tenu le coup durant toutes ces années : Joe Ruffner alias Eric Gratien, un gars peu docile et encore plus punk que moi. Hahaha !!!

En 1994 est paru chez Albin Michel « Les Univers de Cromwell », un one-shot entièrement consacré à ton œuvre et commenté par tes soins. N'est-ce pas un peu étrange de commenter ses propres travaux ?

Il est vrai que j'ai choisi seul les illustration et réalisé les commentaires destiné à les accompagner mais cela m'a surtout permis de communiquer les informations réellement importantes à mes yeux c'est-à-dire l'origine de chaque illustration et non des commentaires techniques stériles dont le lecteur lambda n'a rien à faire. Je suis entièrement satisfait de cet art book atypique et dont la maquette a été réellement travaillée sans ressembler à une accumulation fastidieuse d'éléments disparates. Le plus étrange a sûrement été de me préfacer moi-même. Je voulais à l'origine que la préface soit écrite par un tiers mais cela n'a pas été possible. Je garde cependant un bon souvenir de cet exercice !

                       © Cromwell

Le punkrock et le western spaghetti sont deux influences prédominantes dans ton œuvre. Quels sont les groupes et les réalisateurs qui ont marché à tes côtés durant toutes ces années ?

Pour le rock : Buddy Holly, Eddy Cochran, The Music Machine, The Seeds, The Easybeats, The Who, Family, le MC5, Motörhead, The Pink Fairies (particulièrement le morceau The Snake), The Stooges, Dictators, The Ramones, The Sex Pistols, The Stray cats, The Muppet Show... hahahaha !!!
Pour les réalisateurs : Sam Peckinpah (La horde sauvage), Sergio Leone (Le bon, la brute et le truand), Ridley Scott (Blade Runner), Clint Eastwood.


Parlons rock'n roll maintenant et plus particulièrement La bonne, la brute et le truand. Et je parie que tu es le truand...

Exact ! La bonne, la brute et le truand est un groupe plutôt hétéroclite à la base mais qui a fonctionné dès la première répétition. Yo notre batteur n'écoute quasiment pas de musique  mais demeure un accro de la batterie et surtout de la scène. Agathe quand à elle vient de la scène 50' ainsi que du psycho et c'est elle qui est à l'origine du groupe. Pour ma part j'accroche au son 60' et 70', des Who aux Ramones en passant par les Stooges, le MC5, les Sonics... et j'aime également le son psyché et les délires progressifs de certains groupes tels que Family par exemple.
J'ai 10 ans de violoncelle classique dans les pattes et je jour où j'ai découvert le larsen fut une véritable révélation. Depuis je collectionne les guitares (Firebird, Guild Bluebird, basse Rickenbacker...) et je suis devenu un inconditionnel de la disto même si je ne suis pas un malade de la technique, loin de là. L'énergie reste pour nous l'élément prédominant et j'essaye de construire des textes simples avec beaucoup de répétitions afin que le public puisse se souvenir des lyrics et les chanter pendant les gigs !!!

Vous êtes un groupe de punkrock dont l'album est sorti sur un label de jazz/blues et qui tourne souvent avec des groupes de pop. Etrange non ???

En ce qui concerne l'album, notre choix a été déterminé tout d'abord par le support offert par le label Nocturne. Je trouve le format à l'italienne très esthétique et de plus, le concept des BD musiques (1 ou 2 disques + quelques pages de BD ou d'illustrations) me permettait d'inclure de nombreux dessins en plus des lyrics. De plus, nous avons ainsi l'avantage de bénéficier ainsi d'une distribution soignée en dehors des circuits alternatifs.
Pour ce qui est des concerts, le fait de tourner avec des groupes rock ou pop de la jeune génération nous amène un public tout frais et pas encore blasé, pas du tout le genre à rester planté les bras croisés une bière à main. Cette génération redécouvre le rock et conserve un enthousiasme que je trouve agréable et qui nous change de la vieille garde certe respectable mais un peu ramollie parfois...

Parles moi un peu des tournées...

Agathe se réveille de mauvaise humeur et râle tant qu'elle n'est pas maquillée !!! Ahahaha !
Non, plus sérieusement les tournées sont à peu près les seuls moments que nous passons tous ensemble car je crois que l'on ne se supporterait pas en dehors... On ne répète jamais et le calage se fait pendant les balances. Encore une fois, la spontanéité prime.

Des projets ???

Oui, je prépare actuellement une adaptation du Dernier des Mohicans. Ce sera une œuvre entièrement réalisée à la peinture et co-scénarisée par Catmalou. Elle fera environ 150 pages et sortira vers Septembre 2009 aux éditions Soleil dans leur nouvelle collection d'adaptations libres Noctambule.

Sur ce Cromwell me montre quelques planches originales carrément magnifiques puis je m'éclipse, hantée par les morceaux du groupe Family dont les riffs me hanteront les neurones pour une bonne partie de cette nuit de la St Patrick !!!

Interview réalisé par Constance De Lestang

             © Cromwell