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FLEET FOXES
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Fleet Foxes CD (Bella Union/Cooperative Music)
"Sun Giant" EP (Bella Union/Cooperative Music)
En tournée avec le Festival des Inrocks

 

Photo © Cathimini


                                      Fleet Foxes – june 2008


Les Fleet Foxes au chant choral lumineux, qui puisent leurs influences chez les Zombies, Simon & Garfunkel, Ennio Morricone, et même dans la musique médiévale, sont ce qui pouvait arriver de mieux à la pop en 2008.
Le coup de foudre de leur premier EP "Sun Giant" est vite confirmé par leur album et une prestation scénique magique lors de la deuxième nuit organisée par la Blogothèque à Paris. (voir article dans Abus Dangereux 107) Cette soirée est aussi l'occasion de faire la connaissance de Robin Pecknold, le leader de la formation et Josh Tillman, qui a mis sa propre carrière entre parenthèses, pour apporter sa voix et son jeu de batterie au groupe.

Comment le groupe a-t-il commencé ?
Josh: Nous sommes tous de Seattle et nous nous sommes rencontrés par les groupes dans lesquels nous jouions. Je connais Sky depuis l'âge de 13 ans. Nous avons commencé à jouer pour nous amuser. Nous expérimentions de nouvelles choses chez nous et les partagions avec le groupe et c'est ce qui a permis à notre musique d'évoluer. Nous n'avons jamais eu d'idée précise de ce que nous voulions vraiment obtenir. Nous sommes des autodidactes et jouons tous de plusieurs instruments. Casey joue du piano et de la mandoline, Christian de la guitare et de la basse, Robin un peu de tout incluant trompette, Sky de la guitare et moi de la batterie et de la guitare. 

Vous avez enregistré un EP en janvier, votre premier long sort maintenant en juin et vous avez déjà écrit le matériel pour un nouvel album que vous comptez enregistrer en aout. Vous êtes des stakhanovistes de la musique !
Robin : (rires) En fait l'album a été enregistré en novembre de l'an dernier. A cause de la maison de disques nous n'avons pu le sortir que maintenant. Les chansons de l'album et du EP ont été écrites à la même époque. Nous n'avons pas de règle de composition, parfois l'un d'entre nous apporte un bout de mélodie en répète et nous travaillons dessus, parfois c'est en expérimentant dans le studio que jaillit l'inspiration…Chaque chanson a ses propres règles : certaines sont terminées en dix minutes, d'autres demandent des mois 
"Heard them stirring" est un instrumental alors que la force de votre groupe est l'harmonie vocale.
R : Mon frère est réalisateur de vidéos. Il participait à un concours dont les règles étaient "vous avez 48h pour faire un court métrage." Comme il n'avait pas de temps pour préparer le sujet, il a fait un truc de science fiction et m'a demandé d'écrire la musique. C'était très marrant à faire. Nous l'avons enregistré sur l'album pour le souvenir,

En lisant le texte d'introduction du EP et certains de vos textes qui font référence à la campagne, il semble que vous soyez assez proches de la nature. Robin, tu fais partie d'une assos qui organise des camps dans la montagne l'été.
R : Il ne faut pas exagérer l'importance de mon engagement ! Je serais présomptueux si je disais que je fais quelquechose de concret pour protéger la nature. Je profite du fait que Seattle est entouré de montagnes sauvages pour organiser ce genre de choses. Mais ces camps, c'est avant tout pour gagner de quoi vivre. Je n'écris pas sur les clubs, sur trainer en ville, faire des mauvaises rencontres dans les bars… parce que j'en suis incapable. Ce n'est pas mon milieu. Comme tout le monde, j'aime la nature et je parle de ce que je connais.
J : C'est un peu simpliste de croire que tu trouves forcément ton inspiration dans ce que tu connais et que tu es façonné par ton environnement immédiat. Je suis sur que Robin écrirait exactement les mêmes chansons s'il habitait en plein cœur de New York. Je trouve que c'est facile d'adopter une posture narrative et faire le cynique, le revenu de tout. La nature t'oblige à plus d'honnêteté. Ce n'est pas tellement le fait de parler d'arbres et d'oiseaux, c'est plutôt une manière de transcender tes préoccupations de tous les jours, d'ouvrir la porte vers quelque chose d'autre. En tout cas ça nous inspire nous dans notre musique quelque chose de plus grand que du rock traditionnel.

Vous allez tourner pendant 3 mois. Est-ce la première fois que cela va vous arriver ?
J: J'ai déjà tourné plusieurs mois en Europe avec mon propre groupe pour Fargo l'an dernier, mais pour les autres c'est une première. Le plus dur ce sont les petites tournée de 2 semaines, tu es à peine parti qu'il te faut rentrer. (rires) Mais dès que tu dépasses 4 semaines, c'est un peu la même chose. Il y a des côtés positifs et négatifs. Tu n'as pas le temps de réfléchir à de nouvelles chansons, de prendre une guitare juste pour gratter et en extraire peut être quelque chose. Tu n'as quasiment pas de temps en privé. Mais le fait de jouer tous les soirs les même morceaux te permet de te connaitre mieux, d'un point de vue musical, d'augmenter la cohésion du groupe. Ainsi quand tu rentres à la maison, les idées viennent plus facilement et tu peux les mettre en œuvre plus rapidement. 

Qui a eu l'idée de la peinture de Bruegel pour illustrer l'album ?
R : Je ne suis pas très féru d'art plastique mais j'aime beaucoup le travail de Bruegel et de Bosch. J'aime le fait que tu puisses regarder ces tableaux et que tu ne puisses pas en saisir tous les détails la première fois. Plus tu y reviens et plus tu vois des scènes bizarres, des monstres, des détails dérangeant. Nous sommes un groupe en pleine évolution, nous n'avons pas fini de grandir. Rien n'est évident à la première écoute, tu dois démêler les fils de nos mélodies au fur et à mesure et peut être que tu n'arrives jamais au bout. J'aime bien cette idée, c'est pourquoi j'ai choisi de l'illustrer par le tableau de Bruegel.
Il y a aussi un côté médiéval que l'on retrouve dans certaines chanson, certainement dû à votre chant choral.
R: Ma mère écoutait du classique quand j'étais petit. J'ai découvert pas mal de groupes comme les Zombies qui ont fait une pop assez baroque et je pense que ça a du m'influencer quelque part. Même si je n'ai aucunement l'intention de jouer avec un orchestre, j'ai été touché par les mélodies et les structures de ces chansons.
J : Je crois que la plupart de la musique créée entre le Moyen Age et le XVIIIème a été ordonnée par l'église. L'esprit dans lequel elle était composée était totalement différent de celui d'aujourd'hui. Elle était faite pour t'extraire de ta condition d'humain mortel et te donner une vision du paradis ou de l'enfer. Elle devait inspirer la vénération, l'écoute béate. Du coup il y a quelque chose dans cette musique qui comme pour la nature ne peut pas être défini avec des mots. Ca ne s'analyse pas, mais se ressent et fait résonnance en nous, encore aujourd'hui. C'est comme quand nous faisons référence au soleil de Mykonos, il y a bien sûr la lumière exceptionnelle du soleil transcendée par la blancheur de l'île, mais il ya aussi la dimension mystique du soleil lié à toute la mythologie grecque dont on ne peut pas faire abstraction quand on est là-bas. J'écoute beaucoup de musiques traditionnelles d'Europe de l'est, de musiques orientales qui puisent leurs racines dans la pauvreté et la souffrance. Elles évoquent des images fortes et universelles qui ne peuvent que te toucher, quelque soit ton background. C'est toute la différence avec la variété occidentale qui n'est qu'un produit de consommation sans âme destiné juste au divertissement et à rapporter de l'argent. 

Cathimini