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FESTIVAL MO'FO 09 - SOIREE DU 30 JANVIER
couv

(ZOMBIES)

 

(ROBIN LEDUC)


                                  Festival Mo'Fo' 09 – 29 au 31 janvier 2009 – Saint Ouen

     Soirée du 30 janvier

Après avoir bien pris en compte les doléances des festivaliers des éditions précédentes qui se plaignaient de crever de chaud dans des concerts sauna, les organisateurs du Mo'Fo festival ont décidé de prendre date pour une première édition hivernale.

Mains d'œuvres, qui accueille le festival depuis sa création, est un lieu qui "affirme son engagement en faveur de la diversité, de la solidarité et de l'équité". Il prouvera deux fois la sincérité de ces engagements en mettant à disposition plusieurs salles pour un forum gratuit où se côtoient labels, distributeurs, promoteurs, éditions littéraires, éditions audio-visuelles, graphistes, magasins indépendants et variés. L'autre preuve, moins sympathique pour les fans de musique, est le suivi de l'appel des syndicats à la grève générale le 29 janvier qui aura pour conséquence l'annulation de la première journée du festival (et du coup cinq groupes en moins à re-découvrir).

C'est dans une ambiance un peu fébrile, mais bon enfant que je débarque dans le lieu le 30 à la nuit, après avoir fait 2 fois le tour du bâtiment pour trouver la bonne entrée. Il y a de la lumière à tous les étages et les salles communiquent entre elles par un dédale de couloirs et d'escaliers qui permettent de passer du blanc de la spacieuse scène Mo' au noir de la salle Fo' calfeutrée. Il faut emprunter un escalier rouge pour accéder à l'étage où se retrouvent tous ceux qui ont la dalle, sont fatigués de la station debout ou ont simplement envie de tchatcher sans perturber les concerts. Quelle bonne idée que ce Mo'forum, accolé au bar/resto et une petite scène improvisée. Que d'animation en ce vendredi soir, de looks étudiés 60's, de manteaux 3/4 et d'accents anglais ! Il faut dire que cette année, le rock indé sous toutes ses formes est à l'honneur et qu'un petit évènement est attendu en fin de programme.

 

(POCKETT)

   (THE NIGHTCRAWLER)


C'est Pokett qui ouvre le spectacle avec sa voix douce et son regard limpide. Seul avec sa guitare acoustique et ses pédales, il fait déraper de jolies mélodies vers des contrées un peu plus bruitistes que la couleur folk générale de son répertoire laisserait à penser. On accroche doucement mais sûrement à son univers, projeté en grand écran à l'étage. The Nightcrawler est seul lui aussi. Protégé par une chapka immense et des lunettes noires, sa voix défie les problèmes techniques et les années dessinées sur sa guitare acoustique. Un silence respectueux d'un public qui n'a pas eu souvent l'occasion de vibrer sur du blues aussi instinctif, accueille cette performance touchante de sincérité. Murmure, coassement, envol dans les aiguës, parlé, chanté : la voix se transforme à volonté au fil des chansons basées sur un rythme primitif donné en claquant la main sur le bois de la guitare. Ultime pirouette, une version soul en diable d'un morceau de Bonnie 'Prince' Billy sur un petit enregistrement de vibraphone et de boites à rythmes ouvre des horizons insoupçonnés à notre nouvel ami de Nashville. Le choc des continents et des cultures s'opère en passant dans la salle voisine où Yeti Lane donne son premier concert depuis la dissolution de Cyann et Ben. Les trois garçons semblent avoir décidé de réincarner le Pink Floyd original de Syd Barrett et enchainent leurs petites perles pop psychédéliques que l'on attrape au vol comme autant de bonbons colorés. Fruitkey a rajeuni son line up avec deux musiciens dont j'ai injustement oublié le nom (1), mais pas le son de guitare ! Jason et Sophie semblent surexcités par ce nouveau défi et font monter la température d'au moins 5°C d'un coup avec leur mélange ultra frais de rock et de pop. Ils chantent un peu faux, se perdent dans le brouillard d'une machine à fumée incontrôlable. Mais ça vit, ça frétille et ça (me) fait rire ! Robin Leduc & The Pacemakers est le seul groupe de la soirée à chanter en français sur une musique pourtant complètement ancrée dans l'Angleterre des late 60's. Guitares, orgue, banjo et trompette accompagnent fort heureusement le chant un peu maniéré de Robin, ce qui donne un petit gout de revenez-y, malgré un jeu mal à l'aise. Je dis ça, mais comme les _ du public, je suis le concert depuis le grand écran placé au dessus de la scène voisine. Il faut dire que jeunes mods lookés et vieux fans de garage se pressent au plus près de la scène qui accueillera dans quelques minutes un des derniers groupes mythiques du British Beat : The Zombies.

(FRUITKEY)

 

(YETI LANE)


Electrisation, émerveillement, incrédulité : tous ces sentiments suscités par l'arrivée sur scène du groupe vont malheureusement se dissoudre au fur et à mesure du concert. Pourtant Colin Blunstone a la classe d'un vieux crooner qui sait quand il faut distribuer sourires et mains en avant ou au contraire se retirer sobrement en fond de scène. Pourtant Rod Argent a la pêche d'un jeune homme derrière ses claviers, qu'il ratisse de long en large, et s'exprime autant que possible en français pour nous dire combien il est ravi de revenir en France, après 43 ans d'absence. Le petit bassiste qui n'arrête pas de lever le pouce en signe de camaraderie, a permis en 61 aux Zombies de se lancer en leur prêtant son studio de répète et du matos. Il ne les rejoindra que plusieurs décennies après, emmenant son fils et sa batterie dans l'aventure. Si ces vieux gentlemen avaient juste décidés de se retrouver pour reprendre l'intégralité de "Odessey and Oracle" ou les hits qui ont fait leur réputation, on aurait été aux anges. Que dire de ce moment de grâce de "A rose for Emily", avec cette mélodie qui tue et ces voix (presque) aussi divines qu'en 68 ? Hélas, poussés par le désir de ne pas se limiter à un simple revival 60's, nos Anglais ont décidé de faire de leur set un jukebox de toute(s) leur(s) carrière(s) et de s'adjoindre les services d'un guitariste professionnel… Dès le tiers du concert, on perd la grâce des harmonies vocales pour s'embarquer dans des morceaux lourdauds 70's et des solos de claviers ou de guitare insupportables. Le pire est cette reprise dégoulinante du Alan Parson's Project (j'aurais préféré ne jamais savoir que Colin Blunstone leur avait prêté sa voix à l'époque). Le pire ? Hélas, non ! Dans ce roller coaster de chansons de tous styles et de toutes les époques, je reconnais à peine le "I don't believe in miracles" de Colin Blunstone solo (dont l'orchestration originale est un bonheur de délicatesse) et je finis par décrocher sur la longue impro free jazz d'"Indication". Ultime gachis de la soirée : le dit guitariste se lance dans un solo hard FM et pourrit littéralement "She's not there", originalement destiné à relever le niveau et finir en beauté le set. Dommage que l'on n'ait pas bien compris son nom, sinon nombreux sont ceux qui auraient signé un contrat sur sa tête hier soir, pour l'empêcher de continuer de nuire à l'héritage des Zombies !

Cathimini


1 : en fait ils 'agit de Julien Langendorff à la guitare, petit protégé de Thurston Moore et de David d'Herman Düne et Jérôme Shoenberg (dit Sheu-Sheu de Berg sans Nipple) à la basse/claviers. Merci Jason et Stan pour ces précisions !