abus dangereux : article
FESTIVAL MO'FO 09 - SOIREE DU 31 JANVIER
couv

 (Arrington)


                                      Festival Mo'Fo' 09 – 29 au 31 janvier 2009 – Saint Ouen

           Soirée du 31 janvier


Cette deuxième journée du festival Mo'Fo donnait son plein sens à la présence des nombreux stands d'édition et de diffusion de DVD sur le Mo'Forum. En effet, lorsque la programmation musicale du rez-de-chaussée ne correspondait pas à des attentes, on pouvait s'asseoir à une table du resto ou se caler dans un fauteil du coin lounge pour découvrir une sélection d'extraits de films présentés au festival "Filmer la musique". Et il faut bien avouer que j'en ai profité pendant le concert de Bob Robot Presente, pas convaincue par la pop convenue de ce jeune trio français.

J'enchaine donc selon une logique improbable la démonstration de maniement de sabre de Jeffrey Lee Pierce (extrait du "Hardtimes killin' flour blues" de Henri-Jean Debon) avec le jazz folk torturé de Jason Edwards. Toujours d'une élégance un brin décalée avec son petit bonnet blanc et son grand manteau sombre, l'Américain parisien semble se réinventer à chaque concert. (voir compte rendu de la "21 Love Hotel release party" sur mon blog) Entouré de saxos, triangle, contre basse, tom bass et flûte traversière, il glissera ce soir d'un univers bastringue que l'on croyait bien balisé (Tom Waits vs Les Hurleurs) vers une ambiance jazz expérimental assez déconcertante, mais qui imprime au corps un balancement perpétuel.

 J'avoue que mon sens mélodique impose des limites à ma curiosité. Peut être qu'un jour je me mordrai les doigts de ne pas avoir supporté plus de cinq minutes les sons stridents du saxo en papillote et les barrissements du couple salière/poivrière proposés par Arrington de Dionyso. Par contre, quel plaisir de retrouver Damon et Naomi, simplement accompagnés d'une guitare acoustique et d'un orgue/basse. Le duo a progressé depuis ses débuts dans sa recherche d'une certaine pureté mélodique qui touche carrément la grâce avec "Lilac Land", le morceau qui ouvre leur nouvel disque. "Nous avons voulu écrire l'album le plus triste au monde, tout en nous demandant à chaque fois ce qu'aurait fait Franck Sinatra dans pareille situation ?" Si les orchestrations sophistiquées de "Within these walls" le rendent attachant dès la première écoute, le jeu des voix suffisent à rendre l'instant magique:

(Damon and Naomi)



Changement de scène, changement d'ambiance avec les Fishermen Three de New York, accompagnés par Jack Lewis, déguisé en explorateur colonial. Leur pop aux accents calypso est des plus agréables, rappelant un peu la musique d'Herman Düne, d'ailleurs scotchés au premier rang. Les mélodies sont imparables; les blagues qu'ils tirent à pile ou face pour passer le temps pendant qu'ils s'accordent, moins. Mais qu'importe, les lumières qui inondent le public et le chauffage (enfin allumé !) nous feraient presque croire qu'on est en été et que le soleil nous attend dehors. Le soleil, ça doit faire longtemps que Malcolm Middleton ne l'a pas vu : peau ultra blanche, cheveu ras d'un roux délavé, bouées de bière discrètement glissées sous le polo. Ramassé sur son tabouret, l'Ecossais chante la désillusion, l'échec, la pauvreté et l'auto destruction les yeux fermés comme s'il la vivait de l'intérieur. Le regard noir qu'il lance aux photographes lorsqu'il entend un déclencheur, en dit long sur son état d'esprit. "We all die alone"! On retrouve l'essence des chansons de Middleton dans ces versions épurées de la roublardise synthétique ou des rythmes dansant de ses disques. L'opposition entre la douceur de l'accompagnement (il joue sans médiator) et la détresse de ses textes est saisissante. L'instrumental qu'il nous offre met en avant la dextérité et la sensibilité de son jeu de guitare…alors qu'il a tout simplement oublié les paroles de la chanson. Mais trop c'est trop, et je m'éclipse lorsqu'il répète pour la troisième fois "You should take care of me this winter !".

(Fisherman Three)


(Malcom Middleton)

 

La surprise pour moi viendra de The Wave Pictures, présentés dans le dépliant du festival comme "l'une des révélations de l'année 2008". Le guitariste/chanteur a l'air d'avoir à peine 16 ans, sa guitare a une forme hybride entre Flying V et Vox et le batteur porte un tee shirt de Jeffrey Lewis. Ce cocktail étrange de clichés anglais et américains va se révéler payant dès le premier morceau. En effet, j'ai l'impression d'entendre un croisement entre les orfèvres oubliés de la pop des années 80 (Nivens, Jazz Butcher and co) et la rythmique des Violent Femmes. Les textes sont truffés de petites phrases à l'humour absurde, un peu comme du Jonathan Richman, période Modern Lovers. "Johnny Cash died today", "but it's not like Elvis" you say": ce genre de truc lâché au moment où le chanteur (pour l'occasion le batteur) est sensé découvrir que sa copine est enceinte d'un autre gars, ne peut que faire adhérer un public, déjà largement convaincu. Allez, je vous lâche le pot aux roses, le trio londonien n'est pas né de la dernière pluie, puisqu'il était déjà à l'affiche de l'édition 2002 du festival. Pas aigris de se retrouver à la case départ en tant que "groupe à suivre en 2009", David et Johnny enchainent boutades, bonnes chansons et refrains aguicheurs. Ainsi lorsqu'ils nous supplient avec "Kiss me, kiss me, kiss me", je serais prête à accéder à leur demande, s'il ne fallait foncer dans l'autre salle retrouver Laetitia Sheriff.

(The Wave Picture)



Contrairement à Françoiz Breut embarquée dans une tournée au timing serré, Laetitia a pu revenir et la salle Fo est encore bien pleine, malgré l'heure tardive. Mais il faudrait être sourd, aveugle et sans cœur pour préférer le dernier métro à un concert de Laetitia à la basse et aux claviers, accompagnée d'Olivier Mellano à la guitare et ce soir, de Benoît Burello à la batterie. Cela fait déjà la 3ème fois que j'entends les morceaux de "Games over" que je connais par cœur. Mais je me fais encore surprendre par d'infimes variations dans la puissance de la rythmique, les montés d'adrénalines, les breaks, les samples, les plages calmes… Au fur et à mesure que le trio se resserre, on oublie les sifflets idiots du fond, la sono un peu dépassée, les 6 h de festival dans les jambes… Et on remercie Marius qui dort là-bas de nous permettre de profiter d'un petit rappel qui met un point final magistral à cette septième édition du Mo'Fo festival.  

(Laetitia Sheriff)



Cathimini