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Les Nuits Botaniques - Bruxelles (BE) - du 6 mai au 16 mai 2009
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Lucy Lucy © Frranck Ducourant


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         Les Nuits Botaniques - Bruxelles (BE) - du 6 mai au 16 mai 2009
 
Les Nuits Botaniques ont 25 ans et pas une ride. Un âge enviable pour un festival qui a très vite su séparer le bon grain de l'ivraie. Chaque année, dans ce coin de Bruxelles, à quelques centaines de mètres du centre-ville, sont invitées de belles pointures variées, qu'on a souvent encore envie d'aller voir jouer, et de jeunes pousses, que les programmateurs n'ont pas de mal à recruter, notamment parmi la foisonnante scène belge, une scène plurielle, au caractère bien trempé. Cette année, nous sommes gâtés. Deux semaines pleines de bons groupes à découvrir sur cinq scènes, dont le magnifique Cirque Royal, quelque peu excentré du reste du complexe. C'est ici que démarre cette édition, pour votre serviteur, avec Wovenhand. Les guitares à peine pluguées, le trio de Denver déballe son artillerie mi-vaudou, mi-sioux, dans un fracas assourdissant. Les yeux fermés, David Eugene Edwards et son fidèle bassiste, Pascal Humbert, seront, tout au long de ce set sans étincelle, très concentrés. Un spectateur crie dans la salle 16 Horsepower. Une fois n'est pas coutume, le leit-motiv de la boeufitude « c'était mieux avant » s'applique ici avec grande justesse. Retour au Bota le soir d'après avec Dear Reader, charmant groupe de la lointaine Afrique du Sud qui, profitant d'une tournée européenne en compagnie de Get Well Soon, est de passage à Bruxelles. Le groupe est responsable de quelques perles au ton résolument pastel, qui donnent envie d'apprendre la trompette. De la pop, comme on l'aime, savante et ambitieuse. Difficile cependant de dire à quoi cela ressemble. Kate Bush meets Belle and Sebastian ? Quelque chose dans ce goût là, hein ! Ce soir, Austin Lace distille sa pop polychrome et sixties fort réussie sur disque, un peu moins sur scène. Le fameux mother man, créature omniprésente au masque rouge, qui se promène dans le public, gâche un peu notre plaisir. Ca chante pas très juste, mais les chansons formidables donnent immanquablement envie de taper du pied. Get Well Soon est l'incontestable pic de la soirée. Konstantin Gropper, aux allures de post-ado joufflu, et ses camarades musiciens donnent à l'auditoire une belle leçon de professionnalisme. Plus électriques que sur disque, moins Divine Comedy et plus... mmh Radiohead, ces morceaux qu'on croyait difficilement transposables à la scène sont in fine joliment rendus. Une fois la prestation des Allemands terminée, on sort de l'Orangerie extatique, avec une grosse envie de réécouter le premier album et curieux d'entendre la suite. Das Pop est le gros morceau - belge - qui clôture cette soirée. Les Gantois délivrent, à la virgule près, le même show que celui joué fin 2008 à Hasselt pour la soirée electro Soulwaxmas, soit trois quarts d'heure d'énergie brute, à dérouler une pop qui mélange habilement les codes, en se fichant de la chronologie; ou un concentré de quarante années de musique pop. Autour de Babel est une émission de radio et un concept attrayant sur le papier : faire exister des rencontres ponctuelles entre musiciens aux univers antinomiques. En ce mardi venteux, retour au Cirque Royal pour assister à la représentation la plus spé depuis... oh la la. Jean-Paul Dessy et l'Ensemble Musiques Nouvelles, soit un chef d'orchestre et vingt musiciens d'obédience classique interprètent ce soir des oeuvres bigarrées, qui vont du machin contemporain tip-toc à la musique baroque. Chaque instrument, du clavecin à la batterie, du pianiste au guitariste classico-espagnol, aura droit à ses deux minutes de performance solo, façon jazz. Je passerai sous silence la prestation limite de la chanteuse à la robe échancrée ou, pitoyable, d'un slammeur local, mais ne peut faire l'impasse sur celle du grand Stuart Staples et ses Tindersticks, seuls invités qui donneront un peu de chair à cette soirée qui ne prend pas. La solennité de l'oeuvre et le manque d'humour des protagonistes feraient presque regretter d'avoir loupé la nonante-cinquième diffusion du Gendarme et les Extra-terrestres sur RTL12. Demi-tour au Botanique le lendemain pour fêter le rock belge, présent sur tous les fronts. Major Deluxe est le premier de la liste. Flanqués d'un pianiste habité et habillé comme l'as de pique - oh la vilaine cravate - d'un bassiste bavard, et de l'incontournable et sympathique Greg, guitariste chez les uns, ingé-son chez les autres, ici à la batterie. Les Bruxellois proposent quelques suites d'accords chiadés, surfant sur les cendres d'un prog rock délicat. Mais si ! Au final, de bonnes chansons et un set au poil. Au Grand Salon, espèce de pièce d'exposition, on fête les sixties américaines avec les jeunots Lucy Lucy, qui rappellent furieusement des groupes qu'on a beaucoup écoutés, et jamais vus sur scène, à moins d'avoir 58 ans. Les guitares des Byrds et les harmonies des Everly Brothers sont digérées dans les compos des bébés rockers. Pas la moindre fausse note, et ça sonne comme jamais. Bravo ! The Bony King Of Nowhere est l'autre belle surprise de la soirée. Bram Vanparys est un gandin gantois, à la voix de velours et au charme certain. Ses morceaux sont à l'image de sa plastique, élégants. Sobrement accompagné : contrebasse, percussions, piano et guitare electro-accoustique, la sauce prend vite et bien. Les amateurs d'Ozark Henry, Teitur ou Eric Matthews devraient y trouver leur compte. Pour finir en beauté, direction Les Vedettes, gag belge, composé de huit femmes fluos, plus Clodettes que Supremes, interprétant en choeur des textes barrés, signés Philippe Katerine, le tout chorégraphié au millimètre et ponctué d'interventions lourdingues d'un Michel Drucker local et pailleté.. Le backing band, entre disco et rock glam assure le show. Tout ça n'est pas très sérieux, et tant pis pour Sharko. Je rentre me coucher parce que demain, j'ai piscine.

 

Franck Ducourant