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DOSSIER ECRITS ROCK: ITW ARMAN MELIES
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                                                       Papier Carbone

Arman Melies est devenu, presque par surprise, un auteur incontournable, que l'on s'arrache pour un texte ou une musique dans un milieu élitiste qui essaie de joindre les deux bouts entre rock et chanson de qualité. Il faut dire que depuis 2003, son art de la poésie et des mots rares, son habileté à brouiller les pistes entre romantisme et science fiction nous ont autant chatouillé notre imaginaire que ses mélodies parasitées par des sons toujours en questionnement.


Il était normal qu'à la lecture d'"Un beau siècle de légendes", on creuse ses influences, en partie dévoilées sur le plan musical, tout en orientant la discussion vers la littérature, sujet de ce dossier.


Qu'est ce pour toi que la "littérature rock" ?
Le terme, assez fourre-tout, peut prêter à confusion. Parle-t-on de littérature sur le rock ou d’un type d’écriture qui serait l’équivalent littéraire du rock ? Auquel cas faut-il lorgner du côté du gonzo journalisme et de son subjectivisme exacerbé (Hunter Thomson et consorts) ou de la beat génération ? A vrai dire, c’est un peu comme lorsqu’on me demande une définition de la pop : j’ai beau baigner dedans, je suis incapable de dire ce que cela signifie précisément.


Es-tu toi-même un amateur de livres écrits sur la musique ?
Je suis assez client des livres traitant de l’histoire de la musique populaire. C’est un sujet qui me fascine. A ce titre, la découverte de « Lipstick Traces » de Grail Marcus fut un véritable choc : un intellectuel renommé livrait un essai très fouillé sur l’histoire du rock et traçait des parallèles entre le punk et le mouvement Dada, le rock’n’roll et les situationnistes. Le livre est sujet à controverse, mais il a le mérite d’inscrire la musique populaire actuelle dans le champ artistique contemporain et de considérer la musique « pop » comme étant l’égale de la peinture contemporaine, par exemple. C’est passionnant et assez décomplexant pour un musicien.


As-tu des livres ou des écrivains (journalistes, musiciens...) à nous recommander ?

J’aime beaucoup Nick Toshes, qui étudia notamment le proto rock (le rock d’avant le rock en fait) et ses origines dans la musique black et la musique country. J’ai aussi adoré le livre de Julian Cope, « Krautrocksampler », chronique très subjective, assez drôle, du mouvement Krautrock. Et « Rip it up and start again » de Simon Reynolds, sur le post punk. D'un autre côté, je ne peux pas passer sous silence deux musiciens que je considère comme ayant écrit de véritables chefs d’œuvre, « Et l’âne vit l’ange » de Nick Cave, et les magnifiques chroniques de Bob Dylan.


Comment as-tu été approché pour écrire "Un beau siècle de légendes"?
Lorsque La machine à cailloux , petite maison d’édition parisienne, a commencé à lancer sa collection, ils ont, semble-t-il, contacté pas mal de labels et d’éditeurs pour rencontrer des musiciens qui seraient éventuellement intéressés pour écrire de courts essais sur la création musicale. C’est mon éditrice, Cathy Cuny, qui m’a parlé d’eux et qui m’a permis de les rencontrer.


Est ce que l'exercice a été difficile ?
C’est assez délicat, en effet, dans la mesure où mettre des mots sur sa musique est un exercice relativement périlleux. A vouloir expliquer la totalité d’un processus parfois assez mystérieux, voire même inexplicable, on a parfois tendance à dénaturer de façon presque inconsciente sa propre démarche et à trahir sa musique. Et puis je craignais d’être parfois un peu trop égocentré, un peu trop complaisant. Bref, l’écriture fut assez compliquée, et il m’a fallu un temps relativement long pour arriver à un résultat convenable.


Le livre est illustré de dessins de toi. Peux-tu nous en dire plus sur cette autre corde à ton arc ?
C’est une habitude que j’ai prise en studio. Lors des enregistrements, il y a parfois de grands laps de temps où l’on est inactif. Et cette attente peut parfois être pesante. Sans but précis, je me suis mis à gribouiller des choses assez étranges sur de petits papiers, et c’est vite devenu un moyen ludique de prendre du recul sur la musique en train de se faire. Au fil du temps, cette pratique est devenue récurrente et j’ai donc accumulé pas mal de dessins, essentiellement de formats relativement petits. Il m’a semblé intéressant de joindre certains de ces dessins au texte d’"Un beau siècle de légendes".


Peux-tu nous parler de ta collaboration avec Eric Meunié pour le livre –disque "Fantaisie Littéraire" ?
Nous nous sommes rencontrés au festival de Manosque pour une lecture musicale inédite. Nous sommes devenus amis et nous continuons donc à travailler ensemble de temps à autres. Quand on m’a parlé du projet « Fantaisie Littéraire », il m’a paru évident que cela se ferait à nouveau avec lui, et je tenais à ce qu’il figure sur l’enregistrement. Je ne voulais pas juste qu’il soit auteur, mais qu’il participe de vive voix. Ce qu’il a fait avec plaisir puisque non seulement c’est lui que l’on entend au début du morceau, mais il a même enregistré des chœurs dans la seconde partie du titre.


D'autres projets dans le domaine ?
L’envie d’écrire un roman me travaille depuis longtemps. L’écriture de « Un beau siècle de légendes » m’a en quelque sorte décomplexé, mais il faut maintenant que je trouve le temps pour m’y mettre réellement. Cela viendra…


Propos recueillis par Cathimini

"Un beau siècle de légendes" Editions La Machine à Cailloux
"Fantaisie littéraire" Editions Le bec en l'air