La mort dans l'oeuf

Après quelques hits pop luxueux à la Divine Comedy dans les années 90, Baby Bird est retourné dans l'anonymat le plus complet, du moins de ce côté de la Manche. Retrouver la trace de Stephen Jones, alias Baby Bird, n'a pas été chose facile, mais elle a été riche en nouvelles que voici, que voilà.

Tout d'abord, il faut savoir que Stephen Jones n'a jamais arrêté de créer, même si son dernier album distribué en France remonte à 2000. Des disques, des musiques de films, des livres, des enfants… La vie a continué aussi pleine qu'un oeuf, le symbole qu'il a choisi pour représenter la soif de créativité et l'innocence de sa démarche artistique. De la lo-fi des débuts aux versions orchestrales de chansons pop indémodables, d'instrumentaux souffreteux en interprétations angéliques, Stephen se plait à créer une toile d'araignée sans limites, piquant dans toutes les assiettes avec les moyens du moment. Et les moyens du moment en 2008, c'est le label Atic de son ami Andy Turnet (alias Aim) qui les lui offre pour un double album fourre tout, aussi merveilleux qu'énervant, mélodieux que grinçant. Ne le cherchez pas à Baby Bird, puisque pour accoucher de cet objet monstre, il a adopté le doux nom de "Death Of The Neighbourhood"

Baby Bird, Stephen Jones, Death of the neighbourhood : pourquoi changes-tu de nom d'un album à l'autre ?
Parce que ça m'ennuie ! Si j'ai sorti mon premier album sous le nom de Baby Bird, c'est qu'il convenait parfaitement  à mes premières chansons, pas forcément aux suivantes. Mais j'étais connu sous ce nom et j'ai du le garder pour des raisons purement commerciales. Je voudrais m'en débarrasser.

DOTN est le premier album où tu exprimes clairement ton goût pour le hip hop, dont tu te réclames depuis 2000.
J'aime le hip hop depuis bien plus longtemps que ça ! J'adore les premiers albums de Ice Cube/Eric B et Rakin/Gangstar...et toute la vague electro du début. Je n'ai pas à justifier pourquoi j'aime tel truc plutôt que tel autre : la musique entre dans mon cerveau par le bon angle et voilà. Le hip hop est une musique simple avec des paroles surchargées de sens. Ce n'est pas une influence, ca va beaucoup plus loin et c'est complètement irrésistible.

Les crédits de l'album disent qu'il a été joué par un cerveau engourdi ("numbskull"), écrit par un retardé mental (the mentally unwell) et enregistré par un gamin atteint d'arthrite ("arthritis kid") Pourquoi ces surnoms ?

Mon imagination est un danger pour moi-même.

"J'aime ma télé et ma télé m'aime". N'est ce pas le dernier stade de la dépression ?
C'est assez sarcastique comme chanson en effet sur un mec seul, sous prozac. Ca parle de moi aussi quelque part.  

Comment t'est venue l'idée de mélanger des samples orientaux à "Brainwhack"? Quelle en est la signification ?
Tout est fait à partir de ma voix. J'attache mes couilles avec du fil de fer barbelé et je repends mon cerveau sur le micro. "Brain Whack" veut dire "pétage de plombs". C'est le stade ultime que tu atteins après avoir pris un certains cocktail de drogues et d'alcool. Tu te sens intouchable, c'est une sensation que tu passes ta vie à chercher à atteindre, mais qui est impossible à conserver.

Cet album revient à tes premières amours : le bidouillage lo-fi et les effets de voix. As-tu une âme d'acteur ou est-ce ta fascination pour la technologie qui te pousse à toujours aller plus loin ?
J'adore expérimenter ! J'ai toujours eu un choix de sons assez limité, même aujourd'hui. Ce n'est pas parce que je n'en ai pas les moyens, mais parce que j'aime le défi et que je suis nul en informatique. Donc j'extrais de ce que j'ai chaque once de simplicité.

Le 1er album évolue de morceaux rudes et agressifs avec un gros son et des rythmes résolument hip hop vers des chansons plus douces, plus organiques. Comme si tu voulais faire peur aux gens avant de te livrer à eux. Pourquoi ?
Tu y vas un peu fort. Je ne veux pas faire peur aux gens, car ça se retournerait contre moi. J'ai voulu dévoiler certains sentiments en effet plutôt négatifs au début pour évoluer vers la bonté, la beauté. 

Le 2nd album est instrumental, romantique et mélodieux, avec des orchestrations lumineuses. Est-ce une manière de prendre de la distance avec la négativité de tes paroles et les crédits de l'album ?
Je n'ai jamais composé à partir de la tristesse. Je n'ai jamais fait semblant d'écrire de la musique dépressive. Si ca m'est arrivé, c'est que j'étais triste moi-même ce jour-là. Mais la plupart du temps si je ne me sens pas bien, je vais faire un tour avec mes enfants, je n'écris pas une chanson. J'adore les gens comme David Lynch etc qualifiés de bizarres. Alors que ce sont des gens très généreux, à l'aise dans leur vie ! Comme moi.

Le 1er album se finit sur des voix d'enfants. L'avant dernier morceau du 2eme s'intitule "j'aurais aimé naitre bébé" en réponse à ton premier album qui s'appelait "je suis né homme". Tu chantes souvent avec une voix haut perché. Il semble que l'enfance soit quelque chose de très important pour toi.

J'ai des enfants, c'est la clé de ta question ! Enfin c'est une manière de parler, car c'est ma femme qui les a eus, pas moi. Si je me suis appelé au début Baby Bird, c'est parce que je voulais retenir l'innocence et la simplicité de l'enfance et la traduire dans mon art... et dans ma vie ! Quand tu deviens adulte, tu es obligé d'avoir un boulot pour vivre et tu deviens vite un crétin sérieux et ennuyeux.

Tu as écrit deux livres déjà: "The bad book" et "Harry and Ida Swop teeth". Quel plaisir trouves-tu dans l'écriture qui ne soit pas dans la musique ?
J'aime permettre à mes idées de s'exprimer entièrement, dans leur format idéal. Parfois, c'est long, parfois c'est court. Il faut beaucoup de discipline pour arriver à contrôler le processus d'écriture pour en faire quelquechose de lisibles par d'autres personnes. Je me bats avec moi-même tous les jours sur ce point. En plus comme j'ai une très mauvaise mémoire, j'ai des milliers de carnets, d'enveloppes, de bouts de papiers où j'ai noté des idées. Il ne me manque qu'un éditeur pour sortir un troisième livre.

Tu as enregistré tes premiers albums à Sheffield, dans ton propre studio. Tu as enregistré DOTN à Manchester. J'ai lu que tu avais l'intention d'enregistrer ton prochain album à Los Angeles. Info ou intox ?
C'est vrai : le prochain album de Baby Bird sera enregistré à LA avec un ami de Johnny Depp.

Cathimini

"Death of the Neighbourhood" 2CD (ATIC)
"Harry and Ida Swop Teeth" livre (IMP Editions)