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MIST
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 Mist : Period - Harmonia Mundi / Le Son du Maquis

Le site officiel, c'est ici.
 
 

                                                                Bataves dynaMist ! 

 
Les Nits d'un côté, de vieux briscards, appuyés depuis toujours par des journalistes fidèles et généreux en adjectifs, qui sortent un vingtième album studio, le chaleureux "Strawberry Wood". Mist, de l'autre, un duo de pop majeure, expert en accord mineur qui, après seulement trois albums, dont ce "Period", distribué en France, doit encore faire ses preuves.
 
Si Mist et Nits, deux groupes issus de la scène amstellodamoise, copains dans la vie, font amis-amis dans ce numéro d'Abus dangereux, ça n'est pas qu'un hasard de calendrier. Ils ont certes un album à défendre sur nos terres ces jours-ci. Ils sont surtout deux groupes passionnants à (re)découvrir et à chérir sans modération. Mist veut dire brouillard en néerlandais, mais l'objectif du groupe est clair : faire connaître sa musique au plus grand nombre. Vous voilà prévenus !
 
D'où venez-vous ?
Rick Treffers : Mist est né à Amsterdam. De 93 à 96, le groupe s'appelait Girlfriend Misery, puis jusqu'en 2002, Miss Universe, avant d'opter pour Mist, dû à la pression de l'organisation américaine du même nom. Ivar Vermeulen et moi-même formons le groupe. En concert, des musiciens choisis nous accompagnent. Depuis "We should have been stars", le premier effort de Mist, Ivar est responsable de la texture des sons, de l'atmosphère rêveuse, de l'apport du Fender Rhodes dans notre musique. C'est un bon pianiste et sur scène, il chante et joue de la guitare. Il est le parfait collaborateur qui intervient dans la phase des arrangements. Son background tourne autour du jazz et de la soul. Tandis que je viens de la new wave, la pop, la musique minimaliste, le folk et même le metal. J'ai commencé à écrire assez tard des chansons, à 23 ans, lorsque j'habitais Madrid. Je n'ai pas cessé d'écrire depuis.
 
"Period" est une drôle d'expérience. Vous vous étiez fixés une ligne de conduite, l'enregistrement d'une chanson par mois et la rendre disponible dans la foulée sur le web. Travailler avec une deadline, est-ce confortable ?
L'urgence m'a obligé à achever les arrangements et la production en un temps record et nous en a fait gagner, in fine. Sans deadline, j'aurais passé des mois à peaufiner chaque chanson. "Period" fut une expérience enrichissante à tout point de vue. J'ai beaucoup appris en tant que technicien et producteur. Désormais, j'essaie de finir les morceaux plus rapidement, afin qu'ils gardent une certaine fraîcheur. Trop de temps passé sur l'écriture ne produit pas forcément de meilleures chansons. D'excellents titres peuvent être torchés en trente minutes, d'autres en revanche ont besoin d'être développés.
 
"Period" s'est-il bien vendu aux Pays-Bas ? Pensez-vous avoir perdu des ventes en mettant gracieusement en ligne ces chansons ?
Je ne pense pas. En offrant notre musique au plus grand nombre, beaucoup de gens à travers le monde nous ont découvert, et certains d'entre eux sont venus nous voir en concert et (ou) visité notre site web. Ces personnes ont parlé de Mist autour d'elles. Grâce à Internet, je sais que du Chili à l'Australie, on a téléchargé notre musique. Alors bien sûr, il est illégal de télécharger une grosse partie des oeuvres disponibles sur la toile. D'un autre côté, les ventes via le téléchargement légal n'existeraient pas sans Internet. Ce support est devenu essentiel pour des groupes tels que Mist. Il s'agit de l'outil idéal pour tous les partisans du « do it yourself ». Cela dit, les maisons de disques peuvent être d'une grande aide, en particulier dans les pays étrangers. Mais cela ne fonctionne que si les deux parties travaillent ensemble de façon créative, flexible et ouverte sur les changements en cours dans ce business.
 
Quels sont les sujets abordés sur "Escape Lane" et "Healthy Man", deux titres phare de l'album ? Est-ce que les gros titres des journaux vous inspirent ?
Pas du tout. Je suis sensible aux combinaisons de mots que j'entends par hasard ou dans mes lectures. J'aime jouer avec le son des mots. Mais ce sont les mélodies qui priment et sont au coeur de mon inspiration. C'est ainsi que la plupart de nos chansons naissent. "Escape Lane" parle du désir de s'extirper du poids des pensées, de la mémoire et des décisions à prendre qui paralysent les êtres humains. La chanson utilise les bouchons auto-routiers, en métaphore. Un problème drastique dans mon pays. "Healthy man" fut écrit juste après une leçon de piano. Je travaillais sur une progression de notes et sa pratique m'a conduit à l'écriture de ce morceau, qui évoque l'amour, qu'on finit par rencontrer. C'est une chanson un poil ironique.
 
Quel fut l'état d'esprit sur "Bye Bye", l'album précédent ? Votre façon de travailler sur ce disque fut-elle différente ?
Plutôt oui. "Bye Bye" fut l'album d'un groupe. De nombreux arrangements furent conçus dans une salle de répétition. Alors que sur "Period", Ivar et moi avons tout pensé et écrit à la maison. Il s'agissait aussi d'un album concept sur l'idée de comment survivre à la fin d'une relation amoureuse. Au contraire, "Period" est un assemblage de titres disparates qui évoquent peu les histoires de coeur. Ce que les deux albums ont en commun : leur auteur et un son peut être, celui de Mist.
 
Mist est un duo, comme tant d'autres. Aviez-vous un modèle en tête avant de décider de travailler à deux ?
Non. Mais souvent, Ivar et moi, on s'en réfère à Air.
 
Deux ans après avoir vu le jour aux Pays-Bas, "Period" est distribué en France. C'est un peu long, non ?
Pas tant que ça. Je suis très fier de ce disque. Bien que je sois affairé avec mon second album solo en néerlandais, les chansons de Mist sont encore dans mon coeur. Je chante toujours des morceaux que j'ai écrit en 2002 avec plus de foi que Mick Jagger aujourd'hui, interprétant "Satisfaction". Ca, tu peux me croire. Je suis très heureux que ce disque soit disponible en France. J'aimerais beaucoup tourner chez vous. Et j'ai le sentiment que les Français sont sensibles à la douce mélancolie de Mist.
 
Le temps d'une soirée, vous avez récemment partagé la scène avec les Nits, compatriotes et presque homonymes. Partagez-vous le même public ?
Les Nits sont depuis longtemps de bons amis, et un très grand groupe, en particulier sur scène. Il arrive à Rob (Kloet, le batteur) de venir nous rejoindre, Ivar et moi, dans le cadre d'un concert, et nous travaillons de temps à autres ensemble sur quelques projets. Nous avons réalisé un EP, et je l'ai invité à jouer sur quelques titres de mon prochain album solo. J'adorais leurs albums dans les eighties : "Omsk", "Adieu sweet bahnhof" et "In the Dutch mountains". Nous avons en commun le goût de l'Europe et les accords mineurs. Pour ce qui concerne les textes, Henk Hofstede a un style très différent du mien. Quant à leur public, pour répondre à ta question, il est une génération plus âgée et beaucoup plus important.
 
Toutes les photos du livret vous représentent en tant que groupe live. La musique live semble être essentielle pour Mist. Jouez-vous souvent à l'étranger ?
Nous jouons plus souvent à l'étranger qu'aux Pays-Bas. Nous avons, par exemple, visité le Mexique, l'Argentine, le Chili, l'Allemagne, la Norvège la France ou l'Espagne bien souvent. Nous aimons beaucoup le public latino pour son enthousiasme, sa spontanéité. Nous aimons également les publics allemands et français pour leur attitude calme et respectueuse. Aux Pays-Bas, les gens ont tendance à parler pendant les concerts et c'est très agaçant. Les photos du livret sont en réalité un hommage aux musiciens qui nous ont accompagné tout au long de ce projet.
 
Est-il possible de vivre de sa musique aux Pays-Bas ? Existe t-il suffisamment de salles où jouer ? 
Oui, il y a de nombreuses salles dans tout le pays, mais notre musique, à la fois délicate et mélodique, n'est pas facile à vendre... Je ne me suis jamais limité à mon pays. Je suis Européen avant tout, et ai toujours mis un point d'honneur à travailler partout où cela est possible. J'aime voyager, rencontrer d'autres cultures. Et puis les concerts ne sont pas mon unique source de revenu. J'essaie de caser - pour le moment, avec succès - certaines compositions, celles qui ont une approche cinématographique, auprès de quelques réalisateurs pour le cinéma ou la télévision.
 
Quels sont, d'après toi, les points forts des Pays-Bas ? Ce que tu apprécies et ce que tu aimes moins ?
Pour les bons points, je dirais la proximité des lieux, la plage, les dunes, une certaine sécurité sociale, le pain brun, les frites, les broodje kroket, (espèce de sandwich avec une croquette de viande - ndlr), tous ces gens qui parlent ma langue... Et puis en été, la combinaison des vélos, de l'eau et du soleil est très agréable. Les points noirs : le manque de lumière, le climat, les routes bondées, le manque d'espace, la mentalité calvino-chretienne, l'hypocrisie, le fait que les Hollandais ne pensent pas grand, l'histoire de la musique de mon pays, enfin une faible ouverture culturelle. Chez nous, le troc a toujours été plus important que la culture !
 
Quelle est la prochaine étape pour Mist ? Quelques dates en France ?
Fort heureusement, nous avons des amis en France qui peuvent nous aider à boucler quelques dates. J'espère jouer bientôt chez vous, en solo ou avec le groupe. Nous faisons régulièrement des sessions acoustiques, et il est possible que nous en fassions aussi en France. Mist sera de retour avec un nouvel album en 2011. En 2010, sortira "Prettige vooruitzichten", qui ne sera pas un album de Mist, bien que Ivar ait oeuvré sur celui-ci.
 
Qu'écoutes-tu en ce moment ?
L'an passé, j'ai beaucoup écouté Loney Dear, que j'adore et en particulier le dernier album, "Dear John". J'aime aussi The Innocence Mission, The Notwist, The Good The Bad and The Queen, Hanne Hukkelberg, Johann Johannson, David Sylvian, Calexico, Sparklehorse, Elliott Smith, Francoiz Breut, Ron Sexsmith, Radiohead, etc. Ces derniers temps j'ai beaucoup écouté Arvo Pärt et Heitor Vila-Lobos.
 
Franck Ducourant