abus dangereux : article
NITS
couv

 Nits : Strawberry Wood - Sony

Le site officiel, c'est ici. Un site complémentaire et bien documenté par
 

                                                   Bataves ImpressionNits !

 
Qui n'a jamais entendu parler des Nits, de leurs chefs-d'œuvre intemporels que sont "Ting", "Urk", "Omsk", "Work", "Hat" ou de leurs albums comprenant plus d'un mot... comme "Giant Normal Dwarf" ? Qui n'a jamais vu un concert des Nits ? Un de ceux où le public ressort rasséréné, mieux qu'une séance de massage dans un spa. Non ? Ca tombe bien le groupe est encore en vie, et sort un nouvel album où il est question de fraises des bois.
 
Ces dernières années, nous avions croisé la route de Henk Hofstede, le souriant chanteur des Nits, pour deux entrevues riches en anecdotes. Avant la sortie de "Strawberry wood" en fin d'année, l'idée de rencontrer Rob Kloet, l'excellent batteur du groupe, avait fait son chemin. Lui aussi devait avoir des histoires en pagaille à délivrer. Nous profitions lâchement de notre copinage via myspace pour lui faire parvenir une flopée de questions. Mister Kloet est un homme d'une politesse exquise, et nous a renvoyé ses réponses en respectant à quelques jours près la deadline. Sympa !
 
De ton point de vue, en quoi "Strawberry wood" est différent des albums précédents ? Aviez-vous un fil rouge ?
Rob Kloet (batterie) : Chaque album des Nits reflète nos états d'âme du moment. Chaque prise est à l'image de l'état d'esprit de chacun d'entre nous. Il n'y a pas de label ou de producteur pour nous guider dans une certaine direction. Lorsque nous avons démarré les sessions de "Doing the dishes" (2008), nous nous sommes vite rendus compte que nous avions de la matière. Il y avait de toute évidence un trop plein d'idées (et de chansons à enregistrer) pour un seul album. De fait, nous avons passé un temps non négligeable à séparer le fruit de ces sessions en deux parties cohérentes. Il était clair que tel titre devait appartenir à tel groupe de chansons. Un des deux groupes fut exploité pour la réalisation de "Doing the dishes". L'autre, nous l'avons amoureusement rangé dans une jolie boîte pour de futurs travaux. Lorsque nous avons réouvert la boîte, la surprise fut de taille, et nous avons décidé d'en utiliser une bonne moitié pour réaliser "Strawberry wood". Un peu avant l'été, Henk (Hofstede) a écrit douze textes, puis nous avons réenregistré et (ou) arrangé l'ensemble des titres que composent l'album.
 
On retrouve sur "Strawberry wood" la poésie et les arrangements ludiques de "Giant Normal Dwarf" (1990). Qu'en dis-tu ? Qu'aviez-vous en tête lors des sessions d'improvisation ?
Nits est un groupe en perpétuel mouvement. Comme tout un chacun sur terre, nous vivons nos vies, nous voyageons, nous faisons des expériences, nous rencontrons des gens. Cela a une incidence sur notre musique Je comprends bien la comparaison avec "GND", mais il s'agit clairement d'une approche différente, tant au niveau des textes que de l'interprétation. Dans un premier temps, nous improvisons librement. Du coup, nous n'avons pas de vision précise de ce à quoi ressemblera l'album en gestation. Je pense, en revanche, que chaque album est d'une certaine manière construit en réaction au précédent.
 
Avec le recul, que penses-tu des dix dernières années passées au sein du groupe, la participation des « ladies », le come back de Robert Jan Stips (claviers), les différents projets annexes ?
A chaque fois que nous entamons un nouveau projet, je suis curieux de son dénouement, l'intégration de Titia (claviers), Arwen (basse) et Leona (voix) ou le retour de Robert Jan - qui rejoint le groupe en 81, le quitte en 97 et le réintègre en 02 - ndlr - Ces évènements touchent l'essence même de notre existence. Nous les absorbons et les utilisons. Même chose pour ce que tu appelles les projets annexes. Toutes ces rencontres nourrissent nos fantasmes et l'imagination.
 
Les Nits ont 35 années d'existence. Et durant tout ce temps, vous n'avez jamais fait appel à un producteur ne serait-ce qu'une fois. Pour quelle raison ?
Au sein du groupe, nous en avons parlé maintes et maintes fois. Je pense qu'un producteur ne fait que croiser la trajectoire d'un groupe à un moment précis. Lorsque nous avons démarré les sessions de "New Flat" (1980), Robert Jan - pas encore membre du groupe et co-producteur de l'album - a croisé notre chemin et ce fut bénéfique. En outre, avec Paul (Telman), notre ingénieur du son, nous sommes vernis. Son intérêt pour les techniques modernes d'enregistrement influencent fortement notre son. Mais si quelqu'un de bien toque à la porte, nous ne sommes pas contre.
 
Pourquoi ce retour chez Sony ?
CBS (devenu Sony - ndlr) fut notre partenaire sur la plus grosse partie de notre carrière, et l'association fonctionne plutôt bien. Dans un groupe, la partie business est cruciale et nous passons beaucoup de temps à réfléchir et à aborder le sujet. En même temps, ça n'est pas ce qui définit l'essence d'un groupe.
 
Depuis la crise du disque, les ventes de disques ne suffisent plus. Il semble que la meilleure façon de survivre pour un groupe est de tourner. Est-ce votre cas ?
La vente de disques et les tournées sont l'une et l'autre deux sources de revenus à ne pas négliger. La situation actuelle est très intéressante. Elle oblige chacun à s'investir, à s'interroger, à rester alerte et c'est une très bonne chose.
 
Tu es le batteur des Nits depuis 74, avec Henk, le plus fidèle des membres du groupe. Quand tu étais ado, pensais-tu faire de ta passion un métier ?
J'aime me laisser porter. J'avais une passion pour la musique et les percussions en particulier. Lorsque j'ai été convié à rejoindre Michiel (Peters, guitariste de 74 à 84) au sein des Nits, il y eut un court moment d'hésitation. Depuis, les évènements se sont enchaînés naturellement, sans plan de carrière ou ce genre de chose. Et c'est tant mieux.
 
En ce moment, vous démarrez une tournée pour présenter "Strawberry wood". Aimes-tu être sur la route, les répétitions, réinventer les chansons, visiter de nouvelles villes... ou préfères-tu rester à la maison et le processus du studio ?
Tourner fait partie intégrante de notre existence. J'adore jouer. Nous en avons besoin afin de rafraîchir nos idées. J'aime en particulier les répétitions avant la tournée, lorsque les nouvelles chansons s'enchaînent. Il y a une espèce de magie qui s'installe. Mais j'apprécie aussi, et ça n'est pas surprenant, les sessions d'enregistrement, qui t'obligent à aller chercher de la matière dans les recoins de ton imagination. Les deux parties sont inséparables. 
 
Quelles sont les « hits » que tu as encore plaisir à jouer et les chansons que tu préférerais oublier.. ?
Ca n'est pas tant le manque d'envie de jouer tel ou tel titre mais plutôt la faculté d'en faire une version intéressante. Y arriver ou pas est un de ces mystères que je n'ai pas envie d'analyser. J'aime l'idée de ne pas tout contrôler. Je l'accepte volontiers. Même chose pour la qualité d'un concert. D'une certaine façon, on peut l'influer, en étant en grande forme par exemple, bien préparé, à la fois concentré et relax, parmi d'autres « petits trucs ». Mais le déclic qui va faire que ce sera LE concert n'est pas à notre portée. On n'a pas la main là-dessus. Dieu merci.
 
Certains admirateurs du groupe te voient davantage comme un percussionniste plutôt qu'un batteur. Qu'en penses-tu ?
Mon instrument est la batterie. Ce que j'en fais diffère forcément de ce qu'en font mes homologues. Les musiciens qui ont influencés mon jeu et l'idée que je me fais de la musique sont effectivement des batteurs. Par conséquent, je me positionne en tant que batteur, mais avec les yeux grand ouverts sur tous les aspects de ce qu'on appelle communément les percussions. Parfois, une simple baguette caressant un tom suffit. Est-ce que cela fait de moi un percussionniste ?
 
Il y a quelques mois, tu étais invité dans le cadre d'un festival pour une performance en solo dans un lieu tenu secret qui n'accueillait que quatre personnes à la fois, et ce douze fois dans la journée... ? C'était chouette ?
Il s'agissait d'un projet, inscrit dans le cadre du festival Oerol à Terschelling aux Pays-Bas, appelé "une batterie dans une toute petite maison". Le public entrait dans une pièce minuscule où je me lançais dans une courte interview suivie de dix minutes d'improvisation. L'idée était de faire entrer les auditeurs dans le processus du jeu, presque dans l'instrument, grâce à la grande proximité entre le public et le musicien. Par ailleurs, chaque performance était unique, car il s'agissait de musique improvisée. Ce fut une expérience géniale pour moi. La conscience d'être bien présent à chaque instant fut immense. Les séances m'ont donné de surcroît de la matière à travailler.
 
Quels sont les batteurs que tu admires ?
Mon intérêt pour cet instrument fut initié par Joe Morello (Dave Brubeck Quartet). Après quoi, il y eut une liste très longue de batteurs remarquables, dont font partie Ringo Starr, John Bonham, Jim Keltner, Chad Wackerman (qui a notamment travaillé avec Frank Zappa - ndlr), Keith Moon, Fritz Hauser ou les percussions dans l'oeuvre de Stravinsky.
 
Qu'écoutes-tu en ce moment ?
Je suis grand fan du programme "Later... with Jools Holland" (émission anglaise diffusée sur BBC2 et présentée par l'animateur et musicien du même nom). J'y découvre des musiciens (groupes) que je ne connais pas forcément. Il y a actuellement une petite pile de disques sur le lecteur CD qui comprend Mininsters, Rinne Radio, Gerard Grisey, Brian Eno, Ry Cooder, Muse, Steve Reich et la récente "Beatles box".
 
Quelques mots sur Mist. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
J'ai rencontré Rick (Treffers) lorsqu'il était rock critic. Il nous a interviewé. Puis nous nous sommes revus. Nous avons partagé la même scène occasionnellement. Rick était investi dans l'organisation d'un festival "Live in the living" où les Nits étaient conviés. Je l'ai rejoint pour quelques performances. Début 2009, il m'a invité à jouer sur scène les chansons de Mist et celles de son répertoire en néerlandais. Nous avons travaillé ensemble sur la bande son d'une pièce de théâtre appelée "Mara", pour laquelle Rick a écrit quelques compositions. Nous sommes très potes.
 
Franck Ducourant