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WEEK END A BREST
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                                                                            Week end à Brest

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Est-ce que vous connaissez un autre artiste Brestois que Miossec ?

" Voilà la question perfide que me pose la télé locale, toute heureuse de coincer ces pseudo-journalistes et photographes (Sur la même longueur d'Ondes, Tsugi, Vox Pop, Radio France, Le Cargo, Rue 89 et Paplar, journal des festivals à parution aléatoire devenu depuis webzine) venus se bronzer au soleil hivernal de Bretagne. Fort embarrassée, je dois avouer que non, c'est la première fois que je viens ici et d'ailleurs, c'est bien parce que je ne connais pas la région qu'on m'a invitée. Je dois donc rencontrer des groupes, des labels, des tourneurs qui me permettront de combler cette lacune, d'autant plus impardonnable que je représente le seul fanzine de l'équipe. Sourires entendus, avalanche de CD, de dépliants, flyers, verres d'alcool et petits fours : la chaleur de l'accueil breton est légendaire, et bien réelle. Heureusement que j'ai emporté un sac à moitié vide. Mais rembobinez s'il vous plait !

 

La Carène est posée au pied d'une muraille de pierres verdies par le temps et l'humidité, qui a dû connaitre bien des tempêtes et des débarquements de corsaires. Le complexe musical ressemble plus à un bunker entouré de préfabriqués de chantier, auquel on accède par une grosse artère ou un chemin creux détrempé, qu'à une salle de concerts. A l'étage les jeunes aspirants talents de la ville participent à un tremplin bon enfant, organisé par la Brigade démineurs dans le hall d'accueil du Centre Info-ressources. 6 ans ont été nécessaires pour "faire vibrer ces tonnes de béton", mais aujourd'hui Philippe Bacchetta, le directeur, n'est pas peu fier de nous faire visiter ses 5 studios de répétition et son studio d'enregistrement, les 2 salles de concert modulables (permettant d'aller de 100 personnes assises à 1300 spectateurs debout), les loges spacieuses, le catering, la lingerie, le bar et le toit (?!) aménagé en amphithéâtre pour accueillir toujours plus de musiques, de spectateurs et de curieux (500 paraît-il) .

La Carene © Cathimini

 

La Carene © Cathimini

 Studio La Carene © Cathimini


 

Après avoir erré dans les couloirs tel le batteur de Spinal Tap cherchant la scène, nous voilà ramenés au rez-de-chaussée par Karine Pichon-Bonno, la très active chargée de communication de la salle, et cheftaine de notre petite expédition. Une vraie locale qui nous apprendra au passage que la plupart des clubs rock de Brest ont fermé il y a une dizaine d'années, empêchant les musiques dites actuelles de se développer à l'unisson des autres villes bretonnes comme St-Malo, Rennes, St-Brieux ou Guingamp… Il faut alors prendre la voiture et aller aux Hespérides, au Run ar Puns, ou la ferme de Gwern an Dour, des fermes pas tout près qui assurent depuis une trentaine d'années leur rôle de salles multi-usages. Seul Le Vauban (bien nommé), sorte de salle de bal décorée à l'ancienne, résiste. Mais ce n'est pas suffisant pour attirer les groupes étrangers dans ce bout du monde balayé par la mer, et c'est pourquoi La Carène est la fierté de nos hôtes.

 

Le Bout du Monde, justement, est le nom choisi par Antonin pour le festival que Quai Ouest organise en août sur la presqu'île de Crozon. World musique et respect de la nature ont trouvé depuis longtemps un équilibre pendant trois jours, dont l'exemple a fait tache d'huile (essentielle, bien sûr) sur toute la région.

 

Astropolis organisé par Gildas, Matthieu et Barbara, aka les Sonics se veut en pointe au niveau technologique, aussi bien du point de vue musical qu'organisationnel. Le festival du dernier week-end de juillet investit plusieurs lieux (dont le toit de la Carène), plusieurs styles (de l'électro la plus pointue au folk local) et plusieurs sponsors, dont l'étonnant monsieur Bic qui propose des cendriers de poche pour éviter de parsemer le sol de mégots.

 

Pour faire vivre la côte en dehors des festivals, il y a un tas de maisons de production dont les racines sont ici : Ainsi on découvre Arsenal, Diogène et Morgane Productions dont les patrons sont devenu au fil des années des institutions au niveau national et de gros poissons en terme de tourneurs : Saint Nolff, Les Trans, Les Vieilles Charrues, Les Francofolies, c'est eux ou ça a été eux à un moment. Au détour d'une conversation on apprend même que se trouve là l'organisateur du premier festival punk français : Elixir 1979 !

 

Restent les labels et les maisons d'édition qui cherchent à "créer une dynamique entre les cultures et les médias, pour essayer de rayonner au-delà de la métropole pour exister" m'explique Cédric Fautrel, impliqué aussi bien dans le management via Organic Music, la production de disques via Last Exit Records, et animateur de Radio Mutine. En fait, c'est grâce à lui que je suis là, car il est le manager éclairé de Rotor Jambreks (one man band présenté dans le Abus 113) et de Double Elvis (groupe electro pop d'une efficacité redoutable). Par contre, difficile de retenir un autre label qui ait sa place dans les pages d'Abus, plutôt taillés pour celles de Sur la Même longueur d'Ondes (beaucoup de chanson et de français) ou Magic (électro pop pour le label digital Beko).

  © Cathimini

La Carène nous invite en fin de journée à juger de l'éclectisme des artistes auxquels elle propose soutien et résidence. C'est d'abord les sympathiques I come from pop qui ne cache pas des influences anglaises plus qu'évidentes. Voix haut perchée, sincérité de la jeunesse et mélodies sans pathos, il ne leur manque qu'à se parer d'un peu de charisme pour se révéler. Mnemotechnic fait trembler les murs et a une présence scénique indéniable : trois lianes qui s'en donnent à cœur joie avec un chant forcé sur une noise menée à fond de train. Dommage que j'ai déjà vu les Battles, sinon je n'y aurais vu que du feu ! Enfin la star de la soirée a préparé sa mue tout l'hiver, elle arrive tout de blanc vêtu pour un show endiablé et sensuel à la fois, grandiloquent et fragile, rock et soul. Je veux parler bien sûr de Rotor Jambreks avec non seulement un band (basse, claviers), mais un big band, avec cuivres étincelants, pupitres, chœurs féminins et changement de costumes. Je pourrai dire plus tard que j'ai assisté à la première apparition du Rotor Jambreks Deluxe, avec chauffe salle, panneaux "applause", numéro de magie, lâché de confettis, entracte, international tambourine contest d'anthologie et public complètement excité. Et en plus c'était bien !

  © Cathimini

 © Cathimini`

Voilà, le week end touche à sa fin alors que je vous écris tout ça. J'apprends que la Carène a été une des premières salles à répondre présente pour la tournée de soutien au label T-Rec. Le 29 mai donc elle mettra sa salle, son bar, et son excellent catering à disposition d'une bonne cause qui nous touche tous: garder les musiques actuelles vivantes !

 

Cathimini