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SPOT FESTIVAL

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Lars and The Hand Of Light © Franck Ducourant


                       SPOT Festival - Aarhus (Danemark) les 20, 21 et 22 mai 2010

 
Désormais résidant en Belgique, je l'affirme haut et fort, la bière danoise, c'est de la limonade, et le verre de limonade à 7 €, ça fait mal au porte-monnaie ! Mais on n'est pas là pour picoler, quoique à en voir certains, je veux parler des festivaliers, on se demande... Bardé d'une réputation toujours plus flatteuse, il y a foule pour cette seizième édition du festival SPOT qui invite, comme chaque année depuis 1994, cent trente jeunes groupes / artistes, représentant le futur proche des scènes rock, pop, soul, garage, punk, électro, hip hop... des cinq pays scandinaves, Finlande comprise. En outre, la ville d'Aarhus accueille en soirée d'ouverture quelques acteurs influents d'Europe et d'ailleurs (Film de Grèce, Dez Mona, les Belges, la Néo-Zélandaise Bachelorette ou les Autrichiens Fiago...). Après un long périple autoroutier, nous arrivons à bon port. Quand j'écris "nous", je veux parler de la délégation belge (!), dont je fais aujourd'hui partie.
 
Direction le "Train", chouette salle, qui accueille les Rennais de Montgomery et la Suissesse Sophie Hunger. L'écoute répétée des titres des premiers sur leur page myspace m'avait laissée sur le cul. Leur pop complexe prend sur scène une dimension plus sombre encore et impressionne. Point de couplets-refrains bêtement enchaînés, comme souvent ailleurs. Les cinq garçons ne semblent pas écrire des chansons pour faire de simples hits, mais de véritables pièces musicales en forme de montagne russe, qui donnent le tournis. Leur affaire prend bel et bien aux tripes. Sophie Hunger n'en mène pas large, lorsqu'elle entame son tour de chant. "Pas le temps de parler, mais suis très heureuse de jouer au Danemark" lance t-elle. Et elle enchaîne les titres de son nouvel album qui, avec l'aide d'une fine équipe de musiciens, passent - trop - vite et bien. Alternant le piano et la guitare, la langue anglaise et allemande, Sophie Hunger fait un petit carton auprès de la grosse centaine d'amateurs et spécialistes venus l'applaudir. On les a vus jouer en France, au Luxembourg, en Belgique... En ce vendredi 21 mai, les jeunes mariés de Murder - en référence à la troublante pochette du précédent album - jouent à domicile et remportent la mise. Pas de différence notable entre leur show au coin du feu, joué dans le cadre des Nuits Botanique de Bruxelles la semaine passée et celui interprété ici, si ce n'est le nombre vingt fois supérieur d'individus venus les encourager, sans parler de la file d'attente qui en décourage plus d'un. Pour les non initiés, Murder est un - paresseux - condensé de Simon and Nick Drake, voir des Kings of Garfunkel... bref un de ces duos apte à écrire, comme personne, des partitions en mineur, interprétées en acoustique, où les choeurs harmonisent à vous foutre un bourdon terrible. Perso, j'adore ! Taillé pour les stades, Pony the Pirate est un groupe norvégien composé de huit solides musiciens, qui ont la bonne idée de tous jouer du micro, et quoi de plus réjouissant que les chants fervents des supporters ivres dans les stades de foot... ? La patate que met Pony the Pirate sur scène rappelle parfois les envolées lyriques - encore et toujours - d'Arcade Fire ou celles contagieuses des furieux Dexys Midnight Runners. Un coeur tatoué sur l'avant bras avec un probable « maman je t-aime », en danois, c'est ainsi que le charismatique chanteur de Lars and the Hands of Light se présente sur scène, accompagné de sa soeur au look « girls just wanna have fun ». LATHOL est la nouvelle signature de Crunchy Frog, le label qui voit plus loin que le bout de son nez et qui remporte une fois de plus, à défaut de jackpot, mon estime. Lars et ses amis font dans la pop festive aux accents sixties. Leur tube Me Me Me est aussi charmant qu'irresistible. Kill Screen Music n'a pas encore cette aura, et doit jouer sous une tente qui prend l'eau. Des trombes tombent en effet au moment même où le groupe entame sa prestation. Pour qui n'a jamais vu les jeunes U2 (période October), les Scandinaves feront l'affaire. Ca a de la gueule, c'est pêchu, bien enlevé. Du reste personne ne songe à quitter les lieux, à moins que la pluie torrentielle y soit pour quelque chose... ? The Ghost Society fait de la noisy pop, et c'est très honorable. Mais pourquoi éclairer aussi mal tous ces jeunes gens un peu tristes, qui affichent leur mélancolie ? D'autant plus que les membres du groupe semblent largement plus bellots que les frères Bogdanoff ! De fait, à moins d'avoir un APN à plus de 3 000 €, pas moyen de prendre une photo correcte. Too bad ! On se contentera de la musique qui, même les yeux fermés, vaut d'être entendue. Après Jan, David, Jay Jay ou Scarlett, voici Jonathan Johansson, nouveau venu dans la famille des enfants de Johan, et ça n'est pas le plus talentueux. Jonathan prend des airs supérieurs, alors qu'il ne devrait pas, et sa bouillie synthétique, frôlant à plusieurs reprises la grosse variète, tombe à plat. Et que dire de The Deportees ? Si ce n'est que l'écriture de ces jeunes Suédois, nettement plus raffinée que celle de leur compatriote précité, doit encore mûrir pour convaincre. Attention, gros buzz... ils ont la gouaille des Stones, le goût des beaux habits des Byrds, le talent d'écriture des Kinks - ou presque - et l'âge des Beatles, en 1964.... Thee Attacks - le Thee avec deux oeufs siouplé - et leur chansons pop garage impeccables récolteront bientôt des « five stars » dans tous les magazines influents, Abus Dangereux en tête... hé hé ! Sur scène Thee Attacks dépote grave. J'en fais des tonnes ? Allez faire un tour sur YouTube, mais revenez lire la suite, hein, c'est pas fini... Pour entamer cette dernière journée en forme de marathon, on ira voir Black Leather Machine. Vous l'aurez compris, le combo ne fait pas dans l'indie folk. Rien de tel qu'un riff de guitare bien saignant pour un bon décrassage des oreilles. Le topo sur les BLM évoque l'enragé Vince Taylor. Tout faux. C'est du côté de The Cult qu'il faut chercher une connexion. Quatre morceaux suffiront, faut pas déconner. Grammofunch, qu'aucun pourrait trouver soporifique, est franchement plus original, et finit par enchanter. Présenté comme la fusion audacieuse des Beatles et Philip Glass - là aussi rien à voir, mais bien essayé - les quatre garçons jouent une musique exigeante, souvent touchante. Bel Esprit, joli nom, pour un groupe ultra pop dans la veine des Crowded House, qui se laisse voir jusqu'au bout sans déplaisir. On n'en dira pas autant deBefore The Show qui n'offre malheureusement rien de neuf et devra prendre un peu de bouteille pour espérer intéresser une audience qui dépasse celle du cercle amical. Band Ane est une petite nana, qui a le grand mérite d'essayer des choses en solo. Aventureuse, elle s'entoure d'instruments étranges et pour le moins barbares. Elle en sort finalement des sons harmonieux et rafraîchissants. Yebo, batteur tout terrain, aux baguettes, Per, un tiers d'Eggstone, à la basse, Nalna, plus connu en tant que producteur pour les Superheroes ou Powersolo, à la guitare, et Jengo, l'autre guitariste, surnommé « pretty boy », forment le gang The Tremolo Beer Gut. Inutile de dire que le vibrato des Fender oeuvre tout au long d'un set torride. Les canailles usent et abusent de fumigène, évidemment toxique, de lumière crade, de gestes rock'n'roll et font un tabac. Entre surf et garage, BO de série Z et rockab' mexicain, posture rétro et excentricité, les suédo-danois sont la meilleure récréation vue depuis... je ne sais même plus. On court voir Cody, expert en ballades crève-coeur, et accessoirement nouvelle coqueluche de la jeunesse danoise aux oreilles fines. Belle voix, slide guitare à tous les étages, choristes façon Leo Cohen et la sensation d'avoir déjà entendu ça chez les Minor Majority, mais c'est rien. C'est bien quand même. On finit en beauté avec Thomas Dybdhal, dont le show léché fait oublier qu'on n'aura plus jamais l'occasion de voir sur scène les Tim Buckley, Curtis Mayfield et autres Tim Hardin. Le Norvégien, guitariste ultra doué, mélodiste hors-pair et crooner patenté se met, le temps de deux chansons et demie, le public dans la poche, en grand magicien ! 

Franck Ducourant
 
 Thomas Dybdhal © Franck Ducourant
 
 Cody © Franck Ducourant