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Radio LXMBRG : Trivial Matters - HaHa Fonogram

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                                                         On air !
 
 
Ils aiment la France, celle largement fantasmée des sixties, et dont l'aura perdure à l'étranger via quelques (rares) gloires nationales. Le coup de foudre sera t-il réciproque ?
 
C'est bientôt Noël, et nous sommes conviés au showcase d'un jeune groupe suédois, qui a pour patronyme Radio LXMBRG (!), dans un quartier chic de la capitâââle. Pour ces cinq gandins, l'enjeu est de taille. L'accueil sera-t-il à la hauteur de leurs espérances ? Rien n'est moins sûr, d'autant que leur second album Trivial Matters, pourtant festif et polychrome, peine à trouver un distributeur au pays de Florent Bruel et de la Star'Ac. Qu'à cela ne tienne, nos amis se déhanchent avec conviction, tels ces groupes de rock frenchie (?) des années yéyé... Quoi ? Bien sûr qu'il y en avait, je peux vous en citer au moins... plein ! Rencontre avec Alex Svenson-Metés, l'homme à penser et principal compositeur du groupe.

 
D'où venez-vous ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? Est-ce votre premier coup d'essai ?
Radio LXMBRG est un groupe basé à Stockholm, bien qu'il s'agisse à l'origine d'un projet franco-suédois. Johan Rönnkvist AKA John the Baptist, le chanteur, Sébastien Castro, un ami français, qui est aussi acteur... et moi-même avions décidé de construire la musique du groupe sur la base de sons éclectiques, en utilisant différents langages. Je jouais (et chantais) auparavant dans différentes formations, mais j'avais envie d'autre chose. Je connaissais Sébastien, grâce à mes voyages répétés à Paris. Johan, je suis allé le chercher dans un trou au nord de la Suède. Il n'était pas question à l'époque de faire de la scène, juste des sessions studio. Puis nous avons été conviés à jouer pour un gros festival, alors j'ai rassemblé quelques musiciens. Les premiers jours, ce fut un peu chaotique, mais nous avons progressé. Je me sentais un peu comme le baron de Münchhausen avec son détachement d'hommes, aux compétences variées !


Trivial matters, le dernier album, sort à peine en Suède sur le label HaHa Fonogram. Peux-tu nous en dire quelques mots ? As-tu des pistes pour une distribution européenne ?
HaHa Fonogram est un label que j'ai créé en 2004. Nous avions eu des propositions en Suède et même à l'étranger mais, pour démarrer, il est plus prudent de monter une structure, à nos conditions. Chez nous, beaucoup d'artistes ont recours à ce système, sans doute parce qu'il s'agit d'un petit pays, en terme de marché. Ce qui compte, c'est d'avoir un bon tour manager, un attaché de presse sérieux et une distribution correcte.  Tout le monde le sait, les disques ne se vendent plus aussi bien que par le passé. La Scandinavie est leader en terme de diffusion sur l'Internet haut débit. Notre musique y est téléchargeable depuis longtemps. De nos jours, on ne monte pas un label pour devenir riche... (rires). HaHa Fonogram me permet de diversifier mes activités. J'ai signé récemment un jeune groupe, Sad Day For Puppets. Ils ont un son moelleux, et me rappellent certains groupes du début des 90’s. Les soeurs Anna et Annika peuvent mettre le monde sans dessus-dessous, grâce à leurs voix irréelles. Un EP sortira en février. Maintenant, le but est d'avoir un catalogue qui a de la gueule. Le label est ni plus ni moins qu'une extension de Radio LXMBRG. Non, je n'ai pas de piste hors Scandinavie, nous sommes présents sur ITunes, notre boutique MP3 est ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Nous mettons parfois à disposition certains titres en téléchargement gratuit. Une nouvelle façon de faire de la promo...


Le nom du groupe sonne étrange à nos oreilles... Pour les Français, Radio Luxembourg c'est RTL, une station loin, très loin du rock...
Oui, on m'avait briefé à ce sujet, mais pour nous Scandinaves, il s'agit de la station basée à Londres, celle qui diffusait avant tout le monde le meilleur des années 60 puis 70. En Suède, on a toujours eu cette démarche, celle de dénicher les bons disques. C'était la radio préférée des ados. La radio nationale suédoise ne diffusait à l'époque que de la musique militaire ou dans le meilleur des cas du classique... Radio Luxembourg passait toutes les nouveautés. En Suède, c'est LA radio culte par excellence ! J'ai choisi ce nom car il représente la musique que je souhaitais jouer, inspirée de la pop française des sixties, celle allemande des seventies et la britannique des eighties. Le rock a plus 50 ans, nous essayons d'en faire modestement un concentré. Notre musique est bien plus européenne que suédoise. Alors quel meilleur nom que Radio LXMBRG ?


D'où vient ce goût pour la France des années 60 ? En quoi cela influence votre musique ?
Ca n'est pas un secret, j'adore la musique française, et pas seulement celle des années 60. Gainsbourg, bien sûr, est important, et sa musique est aujourd'hui jouée partout. Il est une bonne introduction pour découvrir les trésors de la musique moderne. Je pense qu'il a contribué à mettre la France sur la carte du monde de la pop et, pour cette raison, il a le respect de ses compatriotes, à l'instar d'Abba en Suède. En ce moment, j'écoute des compositeurs de musique de films, Michel Legrand et François de Roubaix en tête. J'aime également certains groupes des eighties, comme Charles de Goal... La scène française est un jardin fascinant, où il fait bon se promener. Je trouve souvent des analogies entre des artistes aussi divers que Debussy, Saint-Saëns, Bertrand Burgalat, Justice, Gainsbourg, Piaf, Air, ou même J.-M. Jarre… Ils ont en commun le sens de l'abstrait. Une façon bien à eux d'utiliser telle ou telle harmonie, le timing ou tel arrangement. La musique française me fait songer à un paysage surréaliste. Et puis il y a un sens de l'humour subtil, qui vous échappe peut être... Un ami m'expliquait pourquoi vous étiez si doués pour la musique instrumentale. La langue anglaise peut poser aux Français quelques problèmes, c'est moins le cas ailleurs. Alors vous avez développé un sens inné de l'écriture instrumentale, sans doute un héritage des impressionnistes. Il y a, je crois, un peu de vrai là-dedans.


Qu'en est-il de l'électro, une autre de vos influences ?

Kraftwerk fut mon premier amour… un Moog « le rouge », mon premier instrument. Il ne peut y avoir de fin dans la musique électronique. C'est un genre en perpétuel mouvement. Une seule chose peut y mettre un terme, la coupure de courant (rires).


Qu'est-il arrivé à Lisa Holmqvist... ?
Lisa avait rejoint le groupe en 2003. Sa voix apportait beaucoup au son du groupe. Sa contribution était réjouissante, mais elle a décidé de faire autre chose, et nous avions besoin de changer de direction. Elle chante désormais sous le nom de Liz Heiner. Elle me manque, mais c'est ainsi. Radio LXMBRG ne sera jamais les Ramones, le renouvellement nous est indispensable.


Qui a produit Trivial Matters ? Avez-vous collaboré cette fois encore avec les légendaires Mopeds de Malmö ?
J'ai produit nos deux abums. Ca sonne comme de la maniaquerie, je suis le leader, pianiste, compositeur, producteur, mais je ne suis pas psycho-rigide. Je ne contrôle pas tout. Je donne juste la direction. Nous passons beaucoup de temps en studio. Nous répétons peu, et enregistrons constamment. Lisa nous a quittés juste avant l'écriture de l'album, et nous avons perdu deux autres membres du groupe, une fois les morceaux enregistrés. Au sujet des Mopeds, Jens Lindgård, le chanteur, a mixé le premier LP à Gula Studion. Personne aurait pu mieux le faire. Lui aussi maîtrise bien le « French sound ». Il a travaillé un temps pour Tricatel (ndlr. Aube radieuse, serpents en flamme d'Etienne Charry, entre autres...). Malmö est une ville bien plus riche musicalement que Stockholm. Les meilleurs groupes de Suède viennent de Malmö ou de Göteborg.


Quelles sont les différences majeures entre vos deux albums ?
J'ai laissé le son des sixties, en tout cas sa vision romantique, m'inspirer (transpirer) sur le premier. Trivial Matters est plus réaliste, un peu plus dur, plus froid.


Sur les crédits du premier Radio LXMBRG, vous remerciez Pierre Barouh (ndlr. "M. chabadabada" d'Un homme et une femme, de Lelouch) et Bertrand Burgalat...
Oui, Sébastien Castro m'a fait écouter un morceau, L’Indifférence, écrit par sa mère, Anita Vallejo, et son ami Pierre Barouh. Sébastien a eu l'idée d'en faire une reprise. Ce fut notre premier EP. Je n'ai jamais rencontré Pierre Barouh, mais je sais qu'il a apprécié notre version. Quant à Bertrand, c'est un ami. Tricatel est un de mes labels préférés.


Vous avez joué à deux reprises à Paris en cette fin d'année. Etait-ce votre première visite ?
Non, nous avions déjà fait deux concerts à Paris, fin 2003. Cette fois, on a manqué de temps pour visiter la ville, mais je suis francophile, et viens chez vous au moins une fois l'an...


En tant que musicien, comment vivez-vous la perte de vitesse du support CD ? Ne pensez-vous pas que vous arrivez au pire moment ?
Oui, bien sûr. Cette situation ressemble à une lente révolution, sans réponse. Cela dit, je ne pense pas que le format MP3 puisse remplacer un jour le disque, l'objet. Je n'ai rien contre le format en lui-même, c'est un super vecteur de transmission. Mais les amoureux de la musique auront toujours à coeur d'avoir des vinyles (ou des CD's). Les autres se contenteront du MP3 pour nourrir leur iPod.  Malgré tout, depuis la création du label, je reste optimiste. Nous devons accepter les faits et que nous ne pourrons pas revenir en arrière. Les maisons de disques n'auront bientôt plus les mêmes fonctions. Une situation similaire s'était passée dans les années 50. Les sociétés d'édition s'étaient inquiétées de la lente érosion des ventes de partitions pour piano, au profit des disques. Les gens ont peu à peu cessé de jouer à la maison, et préféraient passer des vinyles ou aller au concert. Les maisons de disques ont dominé cette industrie pendant cinquante ans. C'est bien, non ?


Comment gagnes-tu ta vie ?
Il y a des périodes où je ne vis que de la musique. J'enregistre des groupes dans mon studio, j'écris pour le cinéma, pour une pièce de théâtre... J'aime beaucoup le théâtre. Il m'arrive aussi d'y construire et peindre les décors.


Ton groupe suédois préféré de 2007, de 2008, de la décennie... ?
En 2007, je suis tombé sur un très bon groupe qui s'appelle Pacific!. Je crois qu'ils vont devenir énormes. Pour 2008, je pense à Sad Day For Puppets... Le meilleur, toutes années confondues, c'est Bob Hund. Ca ne fait aucun doute.


Qu'as-tu demandé au Père Noël ?
De la neige ! De nos jours, c'est devenu inhabituel à Stockholm...


Franck Ducourant