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SPOT FESTIVAL
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Our Broken Garden (© Franck Ducourant)


                                                        SPOT FESTIVAL

Aarhus (Danemark) 6 et 7 juin 2008

 
Attention, amis lecteurs, les groupes évoqués plus bas risquent fort, dans un avenir proche, de devenir cultes, importants, hénôrmes, ou... rien du tout, et de s'écraser telle une crêpe. En même temps, comme le chantait Gainsbourg, « rien, c'est déjà beaucoup ».

Le festival Spot convie pour sa quatorzième édition la crème (fraîche) des scènes (souvent indie) pop, rock, métal, jazz, world, ambient, electro... de Scandinavie, sur deux jours et huit scènes, avec une préférence pour les artistes déjà signés, qui ont un album en gestation, parfois enregistré, ou bien déjà sorti, et deux à trois locomotives, afin d'attirer les foules. Sur le site, d'une propreté toute scandinave, l'ambiance est zen et friendly. On y croise des visages familiers, des jolis brins de filles au ventre plat, qui avalent des tonnes de bière... au prix exorbitant. On y parle différentes langues, pas toujours compréhensibles. Enfin, on revient, nos sacs pleins de cartes de visite, de disques qu'on écoutera peut être, de vêtements en boule et la tête encombrée de souvenirs. Marvel Hill, groupe sans envergure - désolé les gars - ouvre le bal. Il ne manque pourtant pas grand chose à ces jeunes gens pour nous intéresser. Les chansons sont plutôt bien fichues. Le type au micro assure. Mais il ne se passe rien. Turboweekend, annoncé avec tambour et trompette, a la saveur d'un navet trop cuit. Ces garçons n'ont retenu des années 80 que la production boursouflée et les couleurs fluos. Je les quitte, sans peine, sur un titre qui ressemble fort à du Level 42, à moins que ce ne soit une reprise de Chris de Burgh ? Beurk ! Nos bébés rockers peuvent retourner à la maternelle, The Late Parade a non seulement l'âge de jouer aux osselets, mais maîtrise parfaitement l'écriture de pop songs. On pense à Mew, ces autres Danois, véritables héros à la maison, injustement méconnus en France. Après un démarrage difficile, The Late Parade fait office de coton-tige. Les Figurines, dont l'album When the deer wore blue, est sorti discrètement cet hiver, dans l'hexagone, attire ici le public comme un aimant. C'est qu'ils en ont fait vendre des pass pour cette nouvelle édition... Malgré quelque défaillance technique, le groupe s'en sort avec panache, devant un public limite hystérique. Si j'ai fait le déplacement, c'est beaucoup pour No and the Maybes, ce trio de Copenhague, repéré sur la foi d'une chanson radieuse, hébergée sur sa page MySpace. Ultra référencée, sa musique se joue des codes, en mélangeant les genres et les époques. Les harmonies « wilsoniennes » et les accords tarabiscotés à la XTC touchent au coeur et rafraîchissent les ouïes. Dans un tout autre style, Our Broken Garden devrait prochainement trouver refuge dans nos boutiques de disques préférées. Signés sur Bella Union, le label de Simon Raymonde (ex-Cocteau Twins), les cinq musiciens, dont la sculpturale Anna Brønsted, enchantent, grâce à une belle maîtrise des instruments et une performance sobre et humble. Ce soir, les amateurs des Tindersticks, Cousteau, ou... des Cocteau Twins y ont largement trouvé leur compte. Je fais l'impasse sur Efterklang. Je sais, c'est mal. D'autant plus que le groupe, sur scène, est fantastique. Les sympathiques Islandais de Hjatalin jouent une pop adulte, variée et inspirée. Violons épileptiques, accélérations en cascade, tension contenue. Si nous devions leur trouver de lointains cousins, ils seraient basés à Montréal, et s'appelleraient Arcade Fire. Après quoi, il y a un passage à vide... Men Among Animals n'est qu'un gag sur patte. Les bien nommés Le Fiasco nous balancent une bouillie sonore, qui monte, qui monte, et puis quoi ? Et puis rien ! Décevante, la Suédoise Anna Jarvinen fait dans la pop, un peu easy, beaucoup cheesy, et malgré des musiciens à la hauteur, son propos tombe à plat. Au secours ! Le Fiasco revient, mais sous la forme de Choir Of Young Believers. La chanteuse insupportable se mue en violoncelliste, le guitariste discret et barbu passe au chant, renforcés par une session rythmique du tonnerre, et deux types pas manchots aux claviers. Alors pourquoi on a comme un goût amer ? Trop clean. Ca manque de punch. Vous n'avez jamais vu les Beatles ? Non, sans blague ! Les Bronson Brothers (rien à voir avec Charles) est un quartet (quasi) pastiche. En tout cas, sa prestation est drolatique. Costards étriqués, lavallières savamment portées, coupes au bol sixties, instruments pseudo vintage, couplets cuculs et refrains « pot de colle ». Bref, du Beatles pur jus, circa 65, en nettement moins passionnant, évidemment. Du reste, en 2008, est-ce bien pertinent ? Sans doute pas, mais ne boudons pas notre plaisir. Leur reprise de Melody Nelson du grand Serge, rebaptisée Melody Branson, est loin d'être ridicule. Neurasthénique, la musique de Radio Dept a le mérite d'être un tant soit peu personnelle. Cependant, les parties de basse et batterie sont pré-enregistrées, et le trio suédois a décidé de jouer dans le noir ou presque. De fait, l'ennui s'installe rapidement. Dommage ! Fûts caressés aux balais, guitare impressionniste, où chaque corde est moins jouée que frappée, et Susanna, jolie norvégienne (pléonasme), au piano, qui joue dos au public, un peu comme les Jesus and Mary Chain. La ressemblance s'arrête là. Gracieuse, telle une héroïne de conte de fée, elle chante divinement. Fermer les yeux à l'écoute de ces morceaux hors mode - on y croise les fantômes de Kate Bush et Mark Hollis - est une expérience forte. Wildbirds and Peacedrums va beaucoup plus loin, et pour le coup ne ressemble à rien. On se demande ce qu'a pu inspirer un tel chambardement, tant d'energie, une telle mise en scène. Elle (Wildbirds) chante comme un oiseau libre comme l'air - Catherine Ringer meets Yma Sumac - aux couleurs chatoyantes, qui ne fait pas que chanter. Elle joue, fait gling-gling sur des instruments inconnus au bataillon, genre jeux de société indiens détournés... Lui (Peacedrums) tape comme un gros maboule sur ses toms, au bord de l'extinction. Une folie qui a du sens, gronde et fait des petits. La contagion a gagné l'auditoire, et c'est debout qu'il réclame un rappel. Je zappe The Elephants, programmé tard dans la nuit, histoire de rester sur une belle impression, à l'image de ce festival épastrouillant.

Franck Ducourant

 

No And The Maybes (© Franck Ducourant)